29 mars 2013 5 29 /03 /mars /2013 10:00

Le secteur du Niagara en 1812

  Niagara1812

Queenston Heights

 

Le général Stephen van Rensselaer disposait de 3900 hommes à Lewiston sur les bords de la rivière Niagara ; 2000 de plus attendaient sous les ordres du général Alexander Smyth tandis que 1300 soldats réguliers étaient stationnés à fort Niagara à l'embouchure de la rivière et du lac Ontario.
En tant qu'officier le plus ancien, Van Rensselaer commandait tout le dispositif, bien qu'étant un officier de milice et non de l'US Army. Sa mission était de faire traverser son armée et de prendre pied sur la rive canadienne au pied de la ville de Queenston puis de remonter vers le Nord vers le fort Georges. Ce fort menaçait l'accès fluvial entre les lacs Érié et Ontario et ses canons faisaient face à ceux du Fort américain Niagara situés juste en face à quelques kilomètres. Brock qui avait réussi à revenir dans le secteur ne disposait que d'un effectif réduit pour affronter la masse ennemie. Pourtant quelques semaines auparavant la situation des Américains était des plus préoccupantes. Les soldats de van Rensselaer ne disposaient pas d'un nombre suffisant de munitions. Le service de santé étant inexistant, les hommes étaient malades. La milice de New York ne disposait pas des moyens suffisants pour partir au combat, armes et matériel manquaient et la solde n'avait pas été payée depuis longtemps. Cette armée avait besoin de temps pour se préparer à l'invasion qui d'après les ordres d'Eustis devait servir à faire diversion pour permettre à Hull d'atteindre ses objectifs. La nouvelle du désastre de Detroit n'était bien sûr pas encore arrivée à Washington et à Albany quartier général américain. Pourtant c'était le gouverneur général Prevost qui allait accorder du temps aux Américains. Toujours soucieux de ménager une place à la diplomatie dans ce conflit, il avait envoyé un de ses émissaires rencontrer à Albany, le général en chef américain Henry Dearborn. Après plusieurs jours de négociation, le 20 août, l'entrevue entre Dearborn et l'envoyé de Prevost, le colonel Edward Baynes, déboucha sur un armistice. Dearborn prévint les Anglais que cet armistice ne serait légal qu'avec l'aval du président Madison. Ce dernier, dès qu'il fut au courant, s'empressa de le rejeter puisque la Royal Navy continuait à maintenir une pression intolérable sur les navires américains.


Brock de son côté fut effaré d'apprendre la nouvelle et redoutait que cette trêve ne fût un mauvais signal envoyé aux indiens et son nouvel allié Tecumseh qui risquaient de douter de la volonté anglaise dans cette guerre. De plus le temps du cessez-le-feu profiterait bien plus aux Américains qu'aux Anglais dans les préparatifs des opérations à venir. Le 8 septembre l'armistice Dearborn-Prevost fut terminé et les opérations allaient pouvoir reprendre. Van Rensselaer avait vu sa situation s'améliorer un peu et son armée avait mis à profit le temps de l'armistice pour pallier à la plupart de ses déficiences logistiques. Mais elle était composée d'un fort contingent de miliciens et il ignorait si ces derniers allaient accepter de traverser la rivière pour se rendre en territoire canadien. Un refus, comme leur statut le leur autorisait, hypothéquerait grandement les chances de succès de toute l'attaque. En outre, van Rensselaer, était loin de faire l'unanimité parmi ses officiers. Le 13 octobre, subissant la pression de l'opinion publique et du président qui réclamaient des résultats après le désastre de Detroit, Van rensselaer se décida à franchir la rivière.


queens1812
L'attaque devait se dérouler depuis deux points de départ différents, les 4000 hommes de Rensselaer franchiraient la rivière à bord de barques mais en plusieurs vagues n'ayant pas assez de transports pour faire passer tout le monde d'un coup. 1600 hommes de plus partiraient de Buffalo, plus en amont, et diviseraient les forces anglaises. Les 13 premières barques franchirent la rivière de nuit et s'approchèrent de la rive opposée avec 300 hommes à bord, mais le bruit des rames dans l'eau fut entendu par les sentinelles anglaises postées sur les contreforts qui bordaient la rivière et ces dernières ouvrirent le feu en direction des navires. Bientôt les canons anglais ajoutèrent leur puissance de feu à l'échange de tirs et très vite les Anglais se rendirent compte qu'il s'agissait d'une attaque en force menée par des centaines d'hommes. A 10 kilomètres de là à Newarck, le bruit de la canonnade réveilla Brock en sursaut et ce dernier bondit sur un cheval en direction de Queenston. Sur place il comprit la gravité de la situation : déjà les Américains avaient réussi à faire débarquer des centaines d'hommes et d'autres renforts affluaient depuis la rive opposée. Les troupes américaines montaient à l'assaut des hauteurs et menaçaient directement l'un des canons anglais qui tirait sur les troupes américaines de l'autre côté de la rivière afin de gêner l'embarquement. Les artilleurs anglais furent repoussés et le canon fut pris. Brock conduisit alors personnellement deux assauts pour tenter de reprendre les hauteurs mais les Anglais furent repoussés également. Le matin s'était levé et avec la lumière naissante, Brock repartit à l'attaque avec les volontaires de la milice de York. Ce fut à ce moment-là qu'une balle frappa le général anglais à la poitrine et le tua instantanément.

 

War of 1812 Battle of Queenston Heightsbataille de Queenston Heights, les uniformes des troupes anglaises au premier plan sont du modèle post 1812 avec le shako belge ce qui est faux puisque aucune unité anglaise au canada a cette période ne portait cette tenue, les américains en arrière plan sont montré avec un drapeau qui est également erroné car le stra and strip ne fut officiellement admis dans l'US army qu'en 1834 pour l'artillerie et 1841 pour l'infanterie. Sur la droite on reconnait des guerriers indiens qui servirent d'écran tout le long du déploement anglais pour la contre attaque finale.

 

Les Américains en surnombre s'emparèrent des hauteurs et de tous les canons anglais, la bataille semblait perdue pour les Britanniques. Des guerriers indiens résistaient encore courageusement aux troupes américaines et infligèrent de lourdes pertes par leur feu précis. Dans le village de Queenston les renforts britanniques en provenance de fort George arrivèrent et de nouvelles pièces de canon commencèrent à ouvrir le feu sur les positions américaines. Le second de Brock, le général de division Roger Sheaffe, mena la contre-attaque avec des éléments du 41st foot et de la milice de Lincoln. Mais du côté américain la situation devenait dramatique. Sur les 13 barques du départ il n'en restait plus que 6 pour faire les allers- retours et ramener des renforts ; en outre, Smyth n'avait pas lancé son attaque depuis Buffalo laissant les Anglais employer toutes leurs forces pour contrer l'attaque de Rensselaer. Pire encore la milice de New York sous les ordres de Smyth, décida comme un seul homme de ne pas sortir de son état et donc d'apporter de l'aide aux troupes américaines situées de l'autre côté et qui connaissaient maintenant de grosses difficultés. Le colonel Winfield Scott qui commandait les troupes américaines sur la rive canadienne se rendit compte que la situation lui échappait, que les renforts n'arrivaient plus et que les Anglais soutenus par des indiens se ressaisissaient. Il ordonna le repli et… tout semblant d'ordre disparut. Les Américains s'enfuirent, certains se jetèrent du haut des hauteurs pour échapper à leurs poursuivants et se tuèrent dans la chute. Acculés à la rivière, les Américains se rendirent, l'heure était maintenant au bilan : les Anglais avaient subi 14 morts et 77 blessés. Pour les Américains ce fut un nouveau désastre : presque 500 hommes étaient morts ou blessés et 925 autres furent faits prisonniers par l'ennemi.

 

L'attaque de Smyth

 

Aprés le désastre de Queenston Heights, la charge du commandement de l'armée américaine du secteur du Niagara fut du ressort du général de brigade Alexander Smyth.
Ayant à sa disposition plus de 4000 hommes, Smyth se lança dans la construction d'une flottille de barques et de chaloupes aptes à permettre le franchissement de la Rivière Niagara par ses troupes. Malheureusement derrière les déclarations pompeuses de son chef, l'armée du Niagara souffrait de désertions, de maladies et du manque chronique de fourniture.
Moins de la moitié des hommes étaient en état d'aller au combat. Deux régiments de réguliers et un de miliciens s'étaient presque mutinés en attente de leur paye et d'équipement.
Les renforts de Pennsylvanie qui devaient arriver mi-novembre étaient déjà jugés douteux quant à leur volonté d'aller combattre sur le sol ennemi.
Depuis le 9 novembre et la déclaration solennelle de Smyth quant à ses projets futurs d'invasion du Canada, les incidents entre Américains et Anglais se multiplièrent. Les Anglais bombardèrent le quartier général de Smyth à Black rock, le 17 novembre. Un duel opposant Fort Niagara et Fort George fit des dégâts et des victimes de part et d'autre.
Le 25 novembre, Smyth et 4500 hommes se préparèrent à envahir la rive canadienne. Le 28 novembre, à 3h00 du matin, une force de 400 hommes traversa la Niagara et attqua à Frenchman Creek, les positions ennemies. Leur objectif était de couper le pont assurant la liaison entre Chippawa et le Fort Erié ainsi que la batterie située à côté. si les canons furent capturés malgré les pertes, le pont ne put être détruit faute d'outils. Les Américains durent se replier face à la contre-attaque sans avoir réussi leur mission.
Après cet échec, le lendemain les Américains firent des démonstrations sous le regard des Anglais mais ne tentèrent pas de traverser.


Finalement quelques jours plus tard les Américains tentèrent une ultime fois de traverser mais au dernier moment Smyth annula l'opération au grand étonnement et à la colère de ses hommes.
Cette décision motivée par le nombre insuffisant de troupes aptes au combat provoqua une colère sans nom parmi ses soldats et ses officiers, certains tentèrent même de lui tirer dessus. Smyth fut finalement contraint par la force des choses à quitter précipitamment son camp et fut relevé de son commandement.
La dernière force américaine disponible se situait dans la région de Plattsburgh sous les ordres du général Dearborn et consistait en 7 régiments de ligne, un de dragons et des éléments d'artillerie. Là encore l'armée était dans un état déplorable, moral en berne, maladie, sous-équipement étaient leur lot quotidien.
Dearborn tenta une attaque vers Montréal en deux colonnes totalisant 650 hommes mais à Malcolm Mills ils se heurtèrent aux éléments anglo-canadiens. Dans l'obscurité des unités américaines échangèrent des tirs fratricides causant des pertes et au petit matin ayant constaté leur erreur, la petite force se replia vers le sud. Dearborn tenta une deuxième fois d'envahir le Bas Canada mais les deux tiers de ses forces étant composés de miliciens, ces derniers refusèrent de traverser la frontière mettant un point final à la campagne. Toutes les troupes repartirent dans leur quartier d'hiver, l'année 1812 se terminait sur 3 humiliants échecs et les noms de Hull, Smyth et Van Rensselaer furent honnis par leurs pairs et les citoyens des Etats-Unis pour leurs désastreuses campagnes.

 

(textes et cartographie Olivier.millet@2013)

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